La République d’Ayiti: un hymne à la survivance
Par Kensley Marcel,
Par Toutatis, la République d’Ayiti ne peut définitivement pas mourir ! Il n’y a pas d’autre conclusion à tirer quand on a le sentiment que l’éternel « si peu » pour lequel une République ne va mourir a longtemps été dépassé chez nous. Par ailleurs, l’histoire de l’humanité a bien révélé qu’une République ça meurt vraiment. Bref ! D’aucuns croient que dans quasiment tous les domaines d’activité, en deux cents ans d’histoire, tout a déjà été fait au centuple pour tuer la nôtre mais elle ne meurt pas. Visiblement on n’en fera jamais assez pour la faire mourir.
Fort malheureusement de puissantes constatations témoignent dans un sens qui pourrait confirmer la mort de notre République, mais il n’en est rien car Ayiti renvoie à beaucoup plus qu’un système politique, c’est une essence, une quintessence, une manifestation du pays d’Ayiti des premières heures.
Bien entendu, l’idée de survivance à toute épreuve évoquée ici a du sens dans le profond optimisme qui caractérise, à son insu, l’Ayitien sous son admirable carapace d’idéalisme et d’adaptabilité. Dans notre République, les facteurs susceptibles d’apporter la mort s’activent plus fréquemment dans le réel que ceux capables de garantir la survie à un moindre degré la vie, donc plus question de parler de « peu ». On est d’accord qu’un cumul de « peu » débouche forcément sur « beaucoup », cependant la République n’est toujours pas morte.
Chacun des scénari catastrophiques qui se déroulent dans l’état actuel des choses s’est déjà produit deux ou trois fois en moins de 40 ans d’histoire immédiate dans le pays. Et la République est toujours là de toute évidence, elle a la vie dure.
Si on doit élaborer un classement des maux capables d’annihiler jusque dans ses racines une République, le phénomène de la corruption occupera une place dans le peloton de tête sinon la tête du peloton. On ne prend pas de risque en disant que la corruption est omniprésente dans le monde, cependant d’un Etat à un autre, elle est contrôlée, maitrisée, réduite à un niveau quasiment non nocif.
Dans notre République c’est comme une espèce de sport Roi, s’il faut emprunter ce terme. Le dernier Président élu Jovenel Moise ( fev 2017-juil 2021) eut à dire « peyi a gen 5 pwoblèm : koripsyon, koripsyon, koripsyon, koripsyon, koripsyon ». Cette répétition au niveau de l’énoncé explique d’une part qu’on est bien loin de l’idée du « si peu » tolérable, supportable pour lequel la République ne va mourir ; d’autre part, la dimension hautement tentaculaire, polymorphe et viscérale du phénomène.
Evidemment un tel constat n’est pas une découverte digne d’être dans le Guinness des records, évidemment Jovenel Moise est le énième à se heurter contre un tel monstre systémique qui, pour une raison curieuse ne peut toujours pas faire mourir la République. Ce n’est pas comme si la corruption n’avait pas déjà fait disparaitre une République : celle de la version Alexandrine de la Grèce.
En second ressort, ce ne serait pas faux de classer, sans nécessairement avoir lu d’étude ou de sondage là-dessus, le colonialisme dans son ancienne ou nouvelle approche, comme l’une des causes de « républicide » dans le monde. Il ne manque d’ailleurs pas de cas et de faits historiques pour le démontrer. Combien de Royaumes, d’Empires… ont été totalement emportés par le colonialisme depuis l’antiquité jusqu’au 19e siècle par le biais d’une pratique corollaire dite « occupation ».
Dans l’époque contemporaine encore, le néocolonialisme continue de faire sa part. Au risque de se tromper, cette terre Ayitienne depuis son indépendance en 1804 a connu plus d’occupations que partout ailleurs, soit deux en moyenne par siècle (1915, 1994, 2004 et 2024). Malgré tout, la Republique d’Ayiti demeure intacte dans sa profondeur.
Le désespoir collectif quand il atteint son pic se manifeste tel un nerf réflexe, c’est-à-dire sans raison ni justification, encore moins de coordination. Même dans ces moments, la République survit. A titre illustratif, on peut prendre une déclaration, à l’allure d’un requiem inopportun, faite par un certain premier ministre selon laquelle le pays d’Ayiti n’existe ni dans la réalité ni sur papier. Fait marquant, il est fort probable que le jour où il a sorti sa diatribe, il se tenait derrière un pupitre marqué du sceau de la Primature de la République d’Ayiti en arborant sans doute soit une broche représentant les armoiries de la République ou le drapeau ayitien. O contradiction quand tu tiens nos congénères !
Si la République d’Ayiti doit aussi survivre à une ineptie aussi criminelle de la part de ses fils au plus haut sommet de l’État, peut-être qu’elle doit mourir pour pouvoir renaitre neuve débarrassée de toutes scories, tel un ordinateur après un véritable reboot.