La justice haïtienne:véritable entrave à la lutte contre la corruption,dénonce l’ULCC
Réagissant au classement d’Haïti dans le dernier rapport de l’ONG Transparency International, des organisations de la société civile comme le Collectif Ensemble Contre la Corruption (ECC) et le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) dénoncent l’institutionnalisation de la corruption en Haïti et l’inaction des autorités au plus haut niveau de l’État dans la lutte contre ce fléau.
180 pays et territoires ont été évalués à travers le monde en fonction du niveau de corruption perçu dans le secteur public, sur une échelle de 0 pour très corrompu à 100 pour très propre.
En effet, dans le rapport de 2022, Haïti n’a obtenu que 17 points sur 100, le plaçant ainsi à la 171ème place du classement, contre 20/100 en 2021 où il occupait la 164ème place.
Ce faible score d’Haïti est dû notamment au fait qu’aucun procès en lien à la corruption n’a eu lieu dans le pays durant ces dernières années, souligne le porte-parole de l’ULCC, Me Daniel Jean.
Port-au-Prince, le 1er mars 2023.-
Se définissant comme le fait de corrompre ou de soudoyer quelqu’un, la corruption est considérée comme un fléau qui gangrène la société haïtienne et empêche le développement du pays. La situation empire quand la corruption rime avec l’impunité caractérisée par l’inaction des autorités judiciaires contre les personnalités ou institutions suspectées d’implication dans de tels actes.
Ce mal endémique encourage le népotisme, le favoritisme et le détournement de fonds alloués à la réalisation de projets dans l’intérêt de la population.
Ainsi, des organes de contrôle comme l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA), la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) et le Bureau des Affaires Financières (BAF) de la DCPJ ont été mis sur pied pour lutter contre la corruption.
En dépit de l’existence de ces entités et un arsenal juridique jugé considérable, Haïti n’arrête pas de figurer parmi les pays les plus corrompus de la planète comme en témoigne le dernier classement relatif à l’Indice de Perception de la Corruption publié en janvier dernier par l’ONG transparency International.
180 pays et territoires ont été évalués à travers le monde en fonction du niveau de corruption perçu dans le secteur public, sur une échelle de 0 pour très corrompu à 100 pour très propre.
En effet, dans le rapport de 2022, Haïti n’a obtenu que 17 points sur 100, le plaçant ainsi à la 171ème place du classement, contre 20/100 en 2021 où il occupait la 164ème place.
Ce faible score d’Haïti est dû notamment au fait qu’aucun procès en lien à la corruption n’a eu lieu dans le pays durant ces dernières années, souligne le porte-parole de l’ULCC, Me Daniel Jean.
“Après avoir consulté le rapport, on s’est dit qu’il nous faut des procès car cela ne veut rien dire de produire des rapports d’enquêtes s’il n’y a aucun suivi judiciaire”, déclare le responsable qui rappelle qu’au cours des deux dernières années, 20 rapports d’enquêtes ont été remis à la justice.
“Le travail continue car au moment où je vous parle, des personnalités importantes au niveau de l’État font l’objet d’enquêtes pour corruption et dans les prochains jours l’ULCC acheminera ces rapports à la justice”, révèle Me Jean qui se garde de fournir plus de détails.
Les suivis judiciaires, la prévention et la répression de la corruption étant considérés comme des facteurs déterminants pour permettre à Haïti de progresser dans les prochains classements, l’ULCC, par la voix de son porte-parole, appelle la justice et les autres organes de contrôle à y jouer pleinement leurs rôles.
La population est encouragée, elle aussi, à contribuer à la lutte en utilisant la ligne directe 5656 pour dénoncer tout cas de corruption se produisant sur le territoire.
Et pour se donner les moyens de mieux lutter contre ce fléau qu’est la corruption, l’ULCC informe que pas moins de sept (7) avant -projets de lois sont en cours d’élaboration dont l’un portant sur l’accès à l’information.
“La corruption surtout au niveau de l’appareil judiciaire et le dysfonctionnement des institutions chargées de protéger la démocratie sont à l’origine de ce faible score”
Réagissant au classement d’Haïti dans le dernier rapport de l’ONG Transparency International, des organisations de la société civile comme le Collectif Ensemble Contre la Corruption (ECC) et le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) dénoncent l’institutionnalisation de la corruption en Haïti et l’inaction des autorités au plus haut niveau de l’État dans la lutte contre ce fléau.
Pour Edouard Paultre, du Collectif Contre la Corruption “Cette position d’Haïti est le résultat de l’effondrement total de l’État dans un pays où il n’y a aucun contrôle sur les crimes financiers”.
Il se dit préoccupé par le fait qu’il n’existe aucun contrôle sur les dépenses des autorités qui en profitent pour agir dans l’opacité la plus totale.
Le dirigeant de l’ECC plaide en faveur la création d’un parquet financier coiffé par un responsable élu par le parlement et détenteur d’un mandat pour sévir contre les corrompus, la mise en place d’un service en ligne pour éviter les pots de vins et l’assainissement du système judiciaire haïtien.
De son côté, le Réseau National de Défense des Droits Humains déplore l’inaction des autorités haïtiennes pour améliorer le score du pays qui ne cesse de chuter chaque année dans le classement.
“La corruption surtout au niveau de l’appareil judiciaire et le dysfonctionnement des institutions chargées de protéger la démocratie sont à l’origine de ce faible score”, insiste Rosy Auguste Ducéna, responsable de programme du RNDDH.
L’organisation invite les autorités à adopter des mesures effectives pour lutter contre ce fléau comme doter des institutions de lutte contre la corruption de moyens adéquats leur permettant de faire efficacement leur travail, lutter contre l’impunité et l’insécurité grâce à des actions concertées entre la Police et la Justice.
Le dossier Petro Caribe est l’illustration parfaite de la défaillance et du manque de cohésion entre des organismes de contrôle et la justice dans la lutte contre la corruption dans le pays.
La justice demeure l’acteur majeur de la lutte contre la corruption dans tous les pays du monde avec le pouvoir de sanctionner les corrompus.
Force est de constater qu’en Haïti, au lieu de jouer son rôle dans la répression de la corruption, le système judiciaire est de plus en plus décrié avec des scandales de corruption à répétition surtout dans la libération de détenus.
A cet effet, près d’une trentaine de magistrats ont été écartés du système judiciaire suite à une opération de certification conduite par la commission technique de certification du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Corruption, absence d’intégrité morale et insuffisance académique sont les principaux motifs avancés par le CSPJ.
Pour Me Lahomie Aubourg, avocate au barreau de Port – au –Prince, il existe une banalisation de la lutte contre la corruption dans le pays. Le système est axé sur la corruption selon la juriste qui appelle à interdire l’utilisation de cash dans les couloirs des tribunaux.
“Pour un combat effectif de ce fléau, il nous faut des juges spécialisés ou sensibilisés sur la question et l’application de la loi sur les tarifs judiciaires”, recommande Me Aubourg.
Le dossier Petro Caribe est l’illustration parfaite de la défaillance et du manque de cohésion entre des organismes de contrôle et la justice dans la lutte contre la corruption dans le pays.
Cette affaire qui qui met à nu la mauvaise gestion de près de 3.8 milliards de dollars par des gouvernements successifs de 2008 à 2016, constitue le plus grand scandale de corruption de ces dernières années en Haïti.
En dépit de la mobilisation de l’opinion publique nationale et internationale, des rapports des commissions sénatoriales et de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, aucun des dilapidateurs présumés n’est inquiété à date.
Le pire est que le magistrat enquêteur, Ramoncite Accimé, a attendu environ deux ans avant de rendre, en juin 2021, une ordonnance dans laquelle il a dit surseoir à l’instruction en raison de l’absence d’arrêts de débet de la CSC/CA et de la décision du parlement.
Il a du coup ordonné le dégel de tous les fonds dans les banques et institutions financières des compagnies COMPHENER S.A, ENERSA, ELMECEN S.A, Sun tech Solar Haïti entre autres, tout en les renvoyant hors des liens de l’inculpation faute d’indices graves et suffisants.
Ce dossier se retrouve bloqué désormais à la cour d’appel de Port – au –Prince depuis que les avocats de la partie civile ont interjeté appel par devant cette instance judiciaire.
A côté de son caractère hautement politique, Me Vilner Joseph du barreau de Port –au –Prince croit que le non – aboutissement de l’affaire Petro Caribe est dû notamment à des vides juridiques et des failles techniques. L’homme de loi rappelle également la nécessité de fournir une formation spéciale en traitement de dossiers liés á des crimes financiers aux magistrats haïtiens.
La charrue avant les bœufs
Techniquement le dossier devrait débuter par l’émission des arrêts de débet et la Cour supérieure des comptes devrait différencier les dossiers des directeurs généraux, des ministres, des secrétaires d’État et des comptables afin de responsabiliser chacun en ce qui lui concerne car le cheminement n’est pas le même pour chacune de ces catégories, estime Me Joseph qui dit déceler, par-dessus tout, un manque de volonté pour faire la lumière sur la gestion de ce fonds.
“ A ce stade, la seule chance de survie voire d’aboutissement du dossier, demeure la cour de cassation qui peut ordonner une nouvelle instruction reconnait toutefois l’homme de loi.
Tout compte fait, la lutte contre la corruption en Haïti requiert l’implication active des secteurs publics, privés, de la société civile et donc de la population en générale pour enrayer ce fléau.