La douce-amère fierté d’être haïtien…


Pendant que le pays sombre dans la tragédie de dizaines de morts calcinés suite à l’explosion d’un camion-citerne rempli de carburant, au Cap-Haitien, et continue sa descente aux enfers en vivant sous le règne des gangs armés qui étendent de plus en plus leurs tentacules notamment dans la région métropolitaine de Port-au-Prince, l’Organisation des Nations unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) vient de reconnaitre, de son côté, la « Soup joumou » (soupe au giraumont) que les Haïtiens consomment religieusement depuis des siècles comme une contribution au patrimoine immatériel de l’humanité.
C’est une très bonne nouvelle.
Aussitôt, la nouvelle a fait le tour du globe. Les médias diffusent et relaient l’information avec une pointe de fierté compréhensible. Mais, laissons de côté un moment l’émotion qui caractérise notre histoire de peuple. En réalité, cette reconnaissance ne devrait pas émouvoir notre population qui consomme la -Soup joumou- à longueur d’année et en particulier avec solennité le 1er janvier de chaque année pour célébrer avec faste notre indépendance arrachée des colons aux prix du sang.
Haïtiens des contrées les plus éloignées d’Haïti, de la diaspora ou du reste du monde, avons-nous besoin de la reconnaissance d’une quelconque instance, aussi prestigieuse soit-elle pour élever notre culture et souligner l’importance de notre contribution unique à l’histoire et à l’existence de l’humanité ?
Combien de temps allons-nous attendre pour valoriser encore et encore nos us et coutumes dans tous les domaines…
A cause de l’acculturation résultant d’une éducation déjantée et importée de pays vaincus qui cherchent par tous les moyens à réécrire l’histoire, nous sommes sortis de la plaque.
Nous cherchons à ressembler à l’autre en abandonnant les fondements de notre nation : l’union, la solidarité, le respect de la personne humaine, la fierté.
Quel haïtien après une nuit bien arrosée ne jette son dévolu sur une soupe faite maison, à la manière de chez nous ? Cela peut varier d’une simple panade jusqu’aux recettes les plus compliquées (avec épinards, cresson ou lyann panye (Chamissoa altissima), carottes, hareng pour ne citer que ces ingrédients. Personne ne viendra valoriser nos « diri sòs pwa legim, tchaka, mayi kole, lalo, AK-100, bobori, Kasav, patat ak lèt » à notre place.
Nous avons des friandises à faire saliver : dous makòs, dous kokoye, tablèt pistach, tablèt nwa, dous lèt, Chanm-Chanm, Toli, Kokonèt, Bonbon siwo, bonbon lanmidon. Nos confitures : parmi elles, la plus répandue est celle réalisée avec la pelure interne de notre légendaire Chadèque (pamplemousse), mais aussi d’autres variétés qui sortent du lot : citron, orange amère, mangue, ananas, ou lalwa (aloe vera).
Quant à nos jus de fruits tropicaux capables de flatter les palais les plus exigeants, ils se déclinent sous diverses saveurs : grenadine, grenadia, (fruit de la passion), cachiman, papaye, corossol, mangues, (Haïti regorge de variétés de mangues).
Nos boissons alcoolisées : les plus sucrées grenadia tranpe, les bonnes liqueurs à l’haïtienne, le crémas, les punch aux quenettes, Ti woz, kanèl tranpe. Les moins sucrées ou plus aigres : asowosi, lyann bande, lwil avyon, sonson, Sen Michel.
Combien de temps faudra-t-il encore pour consommer en masse les repas du terroir et vulgariser notre gastronomie à la face du monde. Sans doute nos chefs cuisiniers vont redoubler d’efforts pour inventer des plats et les modéliser.
Si les Haïtiens ont beaucoup à apprendre du reste du monde, nous avons aussi l’essentiel pour bien manger et nous maintenir en forme.
En agissant de la sorte, notre agriculture, l’industrie agro-alimentaire, la production nationale, la culture et l’économie en sortiront toutes renforcées et florissantes. Les mêmes efforts sont attendus dans la musique, les sports, la science etc.