Et Haïti s’enfonce de plus en plus dans la corruption!
« En quoi sommes-nous des champions ? » s’est demandé un jour un journaliste à la vue de l’euphorie outrancière suscitée tous les quatre ans par la Coupe du monde de football chez les Haïtiens, alors même qu’Haïti s’est comme exclue de cette prestigieuse compétition depuis plus de quarante (40) ans.
Auto-exclusion parce que les talents footballistiques foisonnent, mais aucune vraie politique sportive n’a été mise en place depuis la participation d’Haïti au Mondial de 1974 pour les valoriser, les encadrer, voire les rentabiliser. Bref ! Aujourd’hui, la question ne se pose plus.
Décidément, Haïti occupe le rang des grands champions du monde de la corruption qui passe pour être, sans contredit, son véritable sport national. C’est un fait ! La preuve : avec une note de 17 sur une échelle de zéro à 100, Haïti occupe la 172ème place sur 180 pays, selon le dernier rapport de l’ONG Transparency International sur l’indice de perception de la corruption. D’où, la Première République noire est le pays le plus corrompu de toute la région caribéenne.
Comme le Premier Ministre Ariel Henry l’avait reconnu et admis il y a deux ans, la corruption constitue un obstacle systémique à la réalisation de la démocratie, à l’Etat de droit, ainsi qu’aux droits humains. Mais, jusqu’ici, mis à part les rapports d’enquête de l’ULCC qui touche sélectivement la plaie du doigt, qu’est-ce qui a été véritablement fait en amont pour lutter contre ce fléau afin de limiter ses dégâts à défaut de l’éradiquer ?
Rien ou presque en comparaison aux places que perd Haïti dans le classement mondial en matière de perception de la corruption, année après année. Ce qui laisse croire que la corruption est une pratique sociale qui, malheureusement, semble définir de plus en plus l’identité nationale haïtienne. Tout compte fait, ce mal à la fois social et moral est omniprésent dans le public comme dans le privé.
En effet, selon Transparency International, cette situation découle notamment de l’impunité généralisée qui sévit dans le pays et de l’absence de l’indépendance du pouvoir judiciaire. En conséquence, Haïti se trouve dépourvue de toute capacité institutionnelle à lutter contre cette gangrène.
« La corruption aggrave l’injustice sociale et affecte de manière disproportionnée les individus les plus vulnérables, mettant en évidence le fait que dans de nombreux pays, les victimes de la corruption se heurtent encore à des obstacles qui les empêchent d’obtenir justice », analyse le Directeur général de l’ONG internationale, Daniel Eriksson.
En réaction, l’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti (OCNH) qui, dans un récent rapport sur la Gouvernance judicaire avait déjà attiré l’attention des autorités compétentes sur l’obstacle majeur que représente la corruption au sein du système, croit que le travail effectué par Transparency International n’est qu’un rappel sur la nécessité de renforcer le pouvoir judiciaire en adoptant des mesures concrètes et efficaces.
« Nous plaidons en faveur de l’établissement d’un système judiciaire indépendant, crédible et proche du citoyen dans le cadre d’une synergie entre le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) et le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP) », déclare l’organisme de défense des droits humains dont Maître Camille Occius est le Directeur Exécutif.
Dans un article publié dans les colonnes du journal Le Nouvelliste en 2022, le Sociologue du développement, Maxime Fortyl, avait souligné que si la corruption reste encore si forte et si persistante en Haïti, malgré les différentes réactions politiques et violentes des Haïtiens, c’est surtout à cause de sa légitimité latente dans la conscience collective haïtienne.
« Nous nous battons contre elle au front, dans toutes les rues de la capitale, mais au bureau, nous la cultivons, nous la caressons dans le sens du poil… », avait-il constaté, en insistant sur le fait que le favoritisme est une dimension fondatrice de la corruption en Haïti. Ce qui laisse croire, en somme, que la corruption a encore du champ libre devant elle ; la prétendue lutte menée par le Gouvernement pour son éradication est de la poudre aux yeux.