Défavorables au Conseil présidentiel, une vingtaine d’Intellectuels haïtiens proposent dix mesures pour une gouvernance responsable

Défavorables au Conseil présidentiel, une vingtaine d’Intellectuels haïtiens proposent dix mesures pour une gouvernance responsable

Face à l’urgence qui s’impose dans une Haïti contrôlée par des gangs armés et où la faillite de l’Etat est plus que jamais confirmée, des Intellectuels haïtiens vivant au Canada ont rendu publique une proposition englobant des ‘’actions pour la bonne gouvernance publique en Haïti’’. 

Dressant un diagnostic non-complaisant de la situation chaotique du pays, ils lancent dans le débat public actuel cette proposition étayée sur dix (10) mesures pour une gouvernance responsable de la Transition politique et l’inscription d’Haïti dans une démarche de bonne gouvernance publique.  

D’entrée de jeu, ces intellectuels reconnaissent que l’État a perdu le contrôle de ses missions régaliennes aux yeux du monde entier.

« C’est ainsi que la République est frappée dans ses dimensions tant physiques que symboliques ou mythiques. Certaines autorités publiques n’assument guère ni ne semblent bien comprendre leurs responsabilités de résoudre les problèmes ou de satisfaire les besoins de la population. D’ailleurs, en lieu et place des stratégies pour adresser ces derniers, des autorités s’en lamentent ouvertement. A fortiori, elles n’opèrent pas à l’intérieur de dispositifs politico-administratifs, légaux et managériaux adéquats pour les contraindre aux résultats. De manière délibérée, le système politico-administratif en place prive la société d’outils de contrôle de résultats. Personne ne sait effectivement ce qui se passe au sein de l’administration. Donc, les acteurs publics en profitent sans crainte. Il est alors évident que des actions sont entreprises sans qu’aucun besoin n’ait préalablement été constaté. Aussi est-il inévitable que l’État soit autant appauvri au point de devoir attendre des aides liées en vue de satisfaire, dans la honte, des besoins primaires d’une Nation », analysent-ils sans concession, soulignant ainsi que, du fait de cette réalité, aucun intellectuel ni professionnel compétent ne peut se prévaloir de pouvoir produire de bons résultats dans un cadre politico-administratif et managérial inadapté à la logique même de résultats, ce qui postule la nécessité de la réinitialisation de l’État haïtien et de sa refondation en un État serviteur au profit de la collectivité.  

La réalité étant celle décrite par ces « penseurs », infernale pour tout dire, Haïti se trouve en situation de devoir attendre le soutien, dans tous les domaines, de ses partenaires internationaux. 

« En fait, il est acceptable que ces derniers lui apportent assistance que sa situation ponctuelle exige pour son relèvement socio-politique et économique. Il est toutefois indécent, en tant qu’État souverain, qu’elle repose ses actions sur leur bon-vouloir sans pouvoir définir ses priorités et ses modes opératoires en fonction de ses réalités nationales. Malheureusement, quand elle attend, chaque année, de l’extérieur des appuis budgétaires pour tenter d’assumer maladroitement les besoins primaires de la population, elle a du mal à prétendre devoir agir en toute liberté », déplorent-ils, tout en précisant que c’est notamment pour cette raison que la bonne gestion des ressources publiques nationales doit être l’une de ses grandes priorités. 

Au passage, ils taclent le processus visant à mettre en place le Conseil présidentiel de la Transition qu’ils qualifient de solution « prêt-à-porter » exotique. Pour eux, les enjeux d’Haïti concernent également les cadres politique et administratif, lesquels sont en principe en interdépendance réciproque. Ils doivent s’alimenter pour produire des résultats. 

De ce fait, mentionnent-ils, quand la politique engloutit et efface la technique, l’administratif s’asphyxie. « Dans l’état actuel des choses, les élites politique, économique et intellectuelle haïtiennes doivent se dire la vérité et agir pour Haïti. Elles devraient, en fait, saisir l’opportunité des bons offices des partenaires d’Haïti pour rassembler autour d’une table (du moins, des tables) les filles et fils du pays pour penser et jeter les bases pour la nouvelle Haïti. Il demeure encore possible. D’ailleurs, si, sur demande de ces derniers, les acteurs politiques haïtiens se précipitent et arrivent, dans un temps record (72h max), à désigner leurs représentants pour la formation d’un Conseil présidentiel inédit, ils le pourraient aussi bien pour définir, selon les normes gouvernant la matière, des stratégies politiques sur fond des vrais problèmes et besoins du pays », croient les signataires de la proposition des dix (10) mesures pour une gouvernance responsable de la Transition politique et l’inscription d’Haïti dans une démarche de bonne gouvernance publique, qui admettent non sans peine que les acteurs n’ont historiquement pas la pratique de s’entendre sur les vrais problèmes d’Haïti. 

Selon eux, Haïti mérite mieux que ce qui s’offre à elle aujourd’hui. « Elle doit se détourner de la voie actuelle qu’elle emprunte ou poursuit. Elle doit s’attaquer aux causes profondes de ses problèmes plutôt qu’à leurs simples symptômes ou effets. Ainsi, pour réduire véritablement les risques de dépenser des ressources dans des actions non pertinentes et insusceptibles de produire de bons résultats, il se révèle indispensable d’asseoir les bases managériales, légales, politiques et administratives cohérentes pour pouvoir pratiquer une gouvernance publique responsable », conseillent-ils comme pour dire que le Conseil présidentiel à bord duquel une majorité représentative de la classe politique haïtienne a embarqué n’est que pure perte de temps. 

Ainsi, ces intellectuels préconisent que le relèvement d’Haïti soit fixé comme la priorité des priorités malgré les désaccords politiques possibles, qu’ils soient historiques ou conjoncturels, les différences d’approches techniques ou scientifiques qui pourraient exister entre parties prenantes haïtiennes. 

« Un tel relèvement doit passer, d’une part, par une transcendance politique et, d’autre part, par l’institutionnalisation de la bonne gouvernance publique. Alors, les différents acteurs politiques et administratifs se doivent de s’inscrire dans la démarche d’agir pour servir. À cet effet, nous, les signataires du présent document, et toutes autres personnes qui y adhèreront, par n’importe quel moyen, par la suite, proposons :

  • Que les actions publiques durant la Transition et celles à prendre ultérieurement se réalisent dans les conditions politico-administratives, stratégiques et techniques adéquates ; 
  • Qu’Haïti enfin abandonne la gestion publique actuelle axée sur le « tout-fait » ou le « prêt-à-porter » exotique, l’émotion politique, l’informalité, l’incohérence, l’improvisation, l’imprévision, l’indéfini, la non-transparence, le non-contrôle et donc l’irresponsabilité des acteurs politiques et administratifs ; 
  • Que des bases politico-administratives structurantes pour une gouvernance publique responsable et orientée vers des résultats évaluables soient adoptées ; 
  • Qu’Haïti fasse, enfin, le choix de la rationalité, donc de la science, de la technique et de la technologie pour s’en sortir ;
  • Que des cadres juridiques adaptés aux réalités aussi bien actuelles que futures, notamment aux nécessités d’une gestion publique rationnelle et responsable, soient adoptés au terme d’un processus d’implication réelle des parties prenantes clés sur la base de leurs expériences, connaissances et/ou engagement dans les domaines concernés », énumèrent-ils. 

Admettant en dernier ressort qu’aucune politique ne rencontre la validation unanime de toutes les parties prenantes dans une société, ces spécialistes dans des disciplines majeures telles que l’Économie, le Management, la Gestion, le Droit entre autres, insistent toutefois sur le fait qu’elle (la politique) doit être conçue pour faciliter son appropriation politique et sociale raisonnable. 

« Ainsi, sans avoir la prétention d’appréhender, sous tous leurs angles, tous les enjeux de la gouvernance publique haïtienne, nous présentons ces mesures à titre de lignes directrices ne pouvant être exhaustives. Elles sont basées aussi bien sur nos connaissances que sur nos expériences au sein de l’appareil étatique haïtien et sur celles transférables acquises ailleurs. Elles représentent notre contribution citoyenne susceptible d’aider à l’instauration d’une gestion publique rationnelle en Haïti.

Il faut noter qu’elles peuvent être d’application progressive et différenciée dans les différents environnements politico-administratifs du pays. Nous espérons que leur prise en compte contribuera, dans sa dimension technique, à la réussite d’une Transition politique vers l’instauration d’un État au service du Peuple », concluent-ils dans ce document mis en circulation le 30 mars 2024, portant la signature de : Jeemy THELUS, Maitrise en administration publique (ENAP), Ex-fonctionnaire         de l’administration publique haïtienne en contrôle / audit ; Samuel JOSEPH, Gestionnaire, Maître en administration Publique, Ex-fonctionnaire de l’État haïtien ; Jean Eddy AMAJUSTE, Économiste, Comptable, Maitrise en Gouvernance et Marchés publics, Ex-fonctionnaire de l’administration publique haïtienne ; Gétho OXÉUS, MSc. Administration et politiques publiques, Ex-fonctionnaire de     l’État   haïtien ; Erick PIERRE-VAL, Maitrise en Travail social (UdeM), Spécialiste en réduction de la violence communautaire et en intervention auprès des personnes vulnérables ; Yves LAFORTUNE, Av., Maître en administration publique, doctorant en politique publique ; Erick Junior JEAN BAPTISTE, Ms Management de Projet, MS Administration publique (En cours ENAP), Ex-fonctionnaire de l’Etat haïtien ; Tayana A. Bellony CELESTIN, Maître en Administration Publique, Fonctionnaire de l’État haïtien ; Max Elie René PASCAL, Gestionnaire, MBA, Ex-fonctionnaire de l’Etat haïtien ; Lynda ALTIDOR, Gestionnaire, Maître en administration, Fonctionnaire de l’État haïtien ; Mario FORTÉUS, DESS Administration financière, MS Sciences Économiques et  Gestion, Ex-fonctionnaire de l’État haïtien ; Watson SAINTUREL, Économiste, MSc. Management ; Ex-fonctionnaire de l’État haïtien; Jean Denis PIERRE-LOUIS, Économiste, Maître en administration Publique, Ex-fonctionnaire de l’État haïtien ; Alain ST-CLAIR, Comptable, Maitrise Administration publique (En cours ENAP) ; Josué VOLTAIRE, Av., Maître en administration publique AP, Fonctionnaire de l’État        haïtien ; Patrick OXILIEN, Fonctionnaire de l’État haïtien, MS Management de projet ; Yves-Mary BEAUBLANC, Bs en administration, Maître en administration publique AP, Fonctionnaire ; Joseph Emmanuel CHERUBIN, MS. Entreprise et marchés, Fonctionnaire de l’État haïtien ; Amaral LÉANDRE, Comptable, Ms Gestion de projet, Cadre de fonction publique haïtienne, Professeur ; Withz AIMABLE MBA, Doctorat Ph. D. en Finance ; Claudel MOMBEUIL, Ph.D. Management, Professeur. 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Social Media Auto Publish Powered By : XYZScripts.com