A cité Cadet, comme dans la vallée de la mort…

A cité Cadet, comme dans la vallée de la mort…

Abandonnés, à la merci des gangs qui contrôlent la zone du Bas-Delmas, les habitants de cité Cadet vivent ce qu’ils appellent ‘’l’enfer’’ au quotidien. Bordée par les quartiers de Solino, de Maya et de Carrefour Peyant, cette communauté située à Delmas 18 est le théâtre de rivalités interminables entre les hommes de Jimmy Cherizier « Barbecue » et ceux de Kempès souvent aidés de ‘’Soldats’’ envoyés en renfort par la base ‘’5 secondes’’ de Village de Dieu. Et voilà qui explique que bien avant l’assassinat du policier Jean David Pierre Noel le lundi 20 mars 2023, les riverains étaient déjà sur le qui-vive.

Des bandits encagoulés remarqués dans un quartier de la capitale haïtienne

Port-au-Prince, le 23 mars 2023.- 

« Ici nous vivons comme des rats », se désole Merline, une jeune femme dans la trentaine visiblement épuisée par la terreur qui s’abat sur sa zone depuis des années maintenant. Et les épisodes de violence enregistrés ces derniers jours ne font qu’augmenter son angoisse à chaque instant. Le regard vide, le visage transpirant la peur, ce petit bout de créature d’à peine 1 mètre 60 a du mal à se remettre de l’émotion provoquée par le meurtre du policier de la Counter Ambushment ‘’CAT’’ Team (Unité contre embuscade en français), surnommé Kiki, le 20 janvier 2023.

« Je me suis précipitée à l’intérieur de la maison en voyant l’action », témoigne la jeune dame. Elle habite à tout juste quelques encablures de la résidence du policier assassiné qui fut un natif de la zone car il vivait avec sa famille à la rue Barthelemy. En plus de Jean David (Kiki), deux autres personnes sont tombées sous les balles des assaillants. 

Le policier Jean David Pierre Noel dans l’uniforme de l’unité (CAT Team) contre embuscade de la PNH

Les proches du policier de la 25e promotion tentaient vainement de le joindre par téléphone pour le dissuader de rentrer chez lui le matin du drame car depuis l’aube les brigands avaient commencé à faire parler la poudre dans le quartier. 

« J’ai ouï-dire que c’est l’œuvre des hommes du Bel-Air appuyés par Izo », précise Évanise, mère de cinq (5) enfants, qui vit dans la zone depuis qu’elle était une gamine. Son témoignage trouve écho auprès plusieurs autres riverains qui s’estiment piégés en raison de leur localisation. 

C’est chacun son tour, reconnait Antoine, 45 ans. Il suppose que cette intervention du gang de Bel-Air est une forme de représailles aux assauts des bandits de Barbecue quelques jours au paravant où des dégâts ont été enregistrés dans l’autre camp.

Le jour comme la nuit «la mort nous guette », lâche Évanise dans une voix empreinte de désespoir tandis qu’elle fait le récit de ce qui caractérise sa réalité à cité Cadet. Un quartier où on ne dort que d’un œil. Quand les armes crépitent « chantent » tout le monde (petits et grands) doit se mettre à plat ventre. «Les détonations sont si fortes parfois que l’on a l’impression que la maison va nous tomber dessus », se plaint-elle. 

« On n’a personne pour nous protéger », pleure encore Merline. Dépitée par sa situation, elle raconte que les affrontements entre gangs sont monnaie courante dans son entourage où les forces de l’ordre brillent par leur absence. Même les policiers issus de la zone sont obligés de garder un profil bas quand ils ne font pas allégeance à l’un ou l’autre camp dans le but de sauver leur peau selon les informations recueillies sur place.

Il se passe rarement une journée sans heurts dans ce coin de la commune de Delmas. Des morts par balles, des blessés et des dégâts matériels de tous genres, on en dénombre à chaque incursion des bandits. Tout cela se passe sinon dans l’ignorance du moins dans l’indifférence des soi-disant autorités en place.

Cité Cadet est à l’image de ce vaste mouroir qu’est devenu Haïti ou plus particulièrement la région métropolitaine de Port-au-Prince et le département de l’Artibonite. Personne ou presque n’est à l’abri de la terreur des gangs qui, chaque jour, prennent le dessus sur les forces de l’ordre en privant -du coup- l’État du contrôle de parts considérables du territoire de la république comme l’a avoué la ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Emmelie Prophète Milcé à l’occasion d’une interview en direct à radio RSF, au micro du présentateur Yvener Joseph, le lundi 20 mars 2023.

Avant l’assassinat du policier Jean David Pierre Noel à Delmas 18 (commune de Delmas), plus d’une dizaine de ses frères d’armes ont perdu leur vie lors d’opérations ou tout simplement dans des attaques ciblées conduites par des bandits.  

Sans défense et donc sans la protection des forces régaliennes pour les épargner des affres des gangs, les habitants de cité Cadet n’ont qu’à s’abandonner à l’Éternel, leur ‘’bon Berger’’ pour espérer continuer à vivre au moins un jour à la fois. 

P.S. Des noms d’emprunt sont utilisés dans cet article pour protéger l’identité des intervenants.

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